Pedro Sanchez rend hommage à Antonio Machado et aux républicains espagnols exilés

Il aura fallu plus de quarante ans de démocratie pour qu’un chef de gouvernement espagnol rende officiellement hommage au président de la IIème République Manuel Azaña, enterré à Montauban, et au poète Antonio Machado, qui repose à Collioure, et, à travers eux, aux quelque 500 000 Républicains qui ont pris le chemin de l’exil à la fin de la guerre civile (1936-1939). «L’Espagne aurait dû leur demander pardon bien avant…», a-t-il déclaré, le 24 février, rendant hommage à «cette démocratie qui fut vaincue par la tyrannie et à tous ceux qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes en luttant pour que cela ne se produise pas». (Extrait du Journal Le Monde)

Joëlle Santa Garcia, Présidente de la FAM, et Jacques Manya, maire de Collioure, réagissent à cette visite-hommage.


Discours de Pedro Sanchez

CLIQUER ICI pour lire, dans son intégralité, le discours prononcé par Pedro Sanchez le 24 février à Argelès

L’Espagne n’intéresse-t-elle que dans ses faiblesses, et non dans sa dignité?

En lisant la presse espagnole hier soir et la Dépêche du Midi qui témoignaient de la visite du président de gouvernement espagnol à Montauban, Collioure et Argelès, je m’interrogeais sur le silence de nos médias nationaux et, par curiosité ou triste confirmation, je zappais hier soir (au programme : gilets jaunes, voyage du coréen, chirurgie esthétique pour les 20 ans, et l’état de la neige !!). Silence…

Pas un mot, pas une image sur l’hommage du président du gouvernement espagnol au dernier président de la République espagnole au cimetière de Montauban, au poète Antonio Machado à Collioure, à ses compatriotes venus mourir sur cette plage d’Argelès. Pas de présence officielle au côté de Pedro Sanchez si ce n’est le préfet. Seule la revue de presse ce matin de France Inter le mentionnait et s’en inquiétait : l’Espagne n’intéresse-t-elle que dans ses faiblesses et non dans sa dignité ?

Pourtant cet hommage, le premier depuis la mort de Franco, d’un gouvernement ( PSOE) qui prend les mesures pour exhumer le corps du dictateur, augmente le SMIC de façon notable… ne méritait-il pas quelques secondes de notre temps ?

Certes, certains y verront les prémices d’une campagne électorale, d’autres se limiteront à l’irruption de Vox ou au « proces » pour clamer que rien n’a changé en Espagne depuis Franco. Je n’alimenterais pas ici les débats – ou non débats, d’ailleurs – qui frisent souvent la caricature ou le débat de sourds, hélas.  En dictature, on perd la dignité et en démocratie trop souvent la pudeur.

Peut être ne serait-il pas vain de rappeler que l’Espagne est une Démocratie et que cet hommage serait sans doute l’occasion d’explorer notre part d’ombre ? La non intervention en 1936, l’installation de camps de concentration (en ces temps de perte de sens, ne pas confondre avec camps d’extermination ! ce qui n’enlève rien à la souffrance et à la mort de ceux qui vécurent dans le sable, le froid, la faim aux portes de l’Espagne. Dans le second cas, l’objectif est juste clairement annoncé !).

« Sous les pavés, la plage » disait le mouvement de 68 et sous la plage d’Argelès, on peut y voir un cimetière d’illusions perdues ou un testament : celle de la dignité de ceux qui, grands ou petits, vieux et jeunes, célèbres ou anonymes, ont fui le fascisme, ont combattu dans les maquis pour vivre debout et, le temps passant, de guerre lasse, sont restés parmi nous.

C’est à eux que je dédie ce court texte, à tous celles et ceux qui ont apporté dans leur maigre bagage, leurs poètes, leurs espoirs et leur dignité (sans Paco Ibañez aurais-je appris mes premières poésies en VO !),  qui m’ont donné le goût de découvrir une langue, des cultures, un pays qui ont forgé mon âme d’hispaniste, mais encore à celles et ceux qui ont fait ce voyage à Montauban, Collioure ou Argelès 80 ans plus tard. Cette mémoire est aussi la nôtre.

Et, en ce 24 février 2019, sous le soleil, non de l’enfance mais du souvenir, entre le rouge, l’or et la violette, le message d’Azaña de 1938, « Paz, Piedad y perdón » s’impose plus encore comme une obligation morale envers les générations à venir de tirer les leçons du passé et de construire la paix. Le pardon n’est pas l’oubli, car l’oubli comme le dit le poète* n’a rien à voir avec « hier » mais avec le renoncement à une exigence éthique. Le pardon est une arme d’avenir, comme peut l’être un poème :

Les lieux sacrés nous permettent de vivre /l’histoire de tous à la première personne. /Les fleurs sur la tombe de Machado /imitent la couleur d’un drapeau /sacrée de ma mélancolie (…)

Comme il est difficile le destin /des peuples qui vivent protégés/ par la miséricorde d’un poème./Comme elle est difficile l’ultime/ solitude de Machado.  Luis García Montero*, Collioure.

Françoise Dubosquet

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