Jacques Issorel (Marseille,1941)
Professeur de langue et de littérature espagnoles à l’Université de Perpignan Via Domitia, de 1971 à 2003. Membre éminent de la Fondation Antonio Machado de Collioure.
Il a publié en 2008 Helena Minekovska, écrit en italien. Ce roman non autobiographique, réécrit en français, restructuré et enrichi, est publié sous le titre de Une lettre pour Alessandro Giovaninetti.
Jacques Issorel est bien connu comme hispaniste (https://hispanismo.cervantes.es/hispanistas/223179/issorel-jacques); professeur émérite, auteur de nombreux ouvrages consacrés à la littérature espagnole : Luis de Góngora ou Rubén Darío, Manolo Valiente, surtout Machado et Fernando Villalón – qu’il contribua à faire (re)découvrir par de nombreuses publications bilingues, en espagnol ou en français.
Jacques Issorel romancier était inconnu, jardin tenu secret, jusqu’en 2008, année où il publia « Helena Minekovska », passé inaperçu et pour cause : publié à compte d’auteur, directement en italien !… Voilà qu’en 2021 il le publie, réécrit en français, restructuré et considérablement enrichi, sous un titre tout aussi mystérieux.
Histoire simple… dans un premier temps : un soir, le narrateur rencontre Helena sur le quai Rive Gauche à Perpignan ; russe, la soixantaine, elle n’a pas toujours été la pauvresse qu’elle semble être. Par bribes elle (se) raconte : jeunesse dans les années 50 en URSS, début de carrière de danseuse au Bolchoï, découverte de l’amour à quinze ans… un avenir heureux s’ouvre à elle, jusqu’au faux pas que ne lui pardonnera pas la police politique. C’est ici un premier dénouement, mais pour mieux rebondir dans la deuxième partie où le narrateur et son ami Mario partent imprudemment à la recherche du premier et grand amour d’Helena, le beau danseur italien A Giovaninetti dont la trace se perd à New York en 1960.
Aller plus loin serait en dire trop ; commence alors une intrigue des plus rocambolesque, au sens propre ; il y a du presque invraisemblable, chez ces deux universitaires assez plan-plan entrainés dans des aventures qui les dépassent. Nos deux enquêteurs amateurs perpignanais vont se tirer d’affaire et le tout finit bien, comme dans les romans populaires, au sens noble du terme, de Fantômas à Sherlock Holmes : une intrigue bien ficelée, des rebondissements, de l’aventure, du suspens, du sentiment, c’est savoureux, tendre, parsemé de clins d’œil – aux arts, cinéma,… – le tout, habilement réparti sur de brefs et efficaces chapitre, tient en haleine comme un feuilleton, une série dira-t-on.
L’ensemble dégage une impression d’étrangeté : une langue presque trop sage pour aujourd’hui, de longues phrases,… une langue classique, qui ne cherche pas à faire style, et qui donne à ces aventures d’aujourd’hui – entre Perpignan, USA et Italie, arrière fond politique, trafics et mystères divers, mais aussi internet et portables – un léger côté d’hier, un peu décalé.
Roman non autobiographique précise avec malice l’auteur ; pour notre bonheur, il y glisse quelques pépites que chacun pourra (croire) découvrir, et savourer, selon sa perspicacité, ou son imagination ; ainsi cette réflexion du narrateur, en plein émoi : « L’explication d’un texte est un exercice délicat ; si bref soit-il ; il faut en révéler le non-dit, le message caché, sans pour autant lui faire dire plus qu’il ne contient réellement ». Restons-en donc là !
Clément Riot
Jacques Issorel, Une lettre pour Alessandro Giovaninetti, éd Trabucaire, 2021, 15€