Dans son nouveau film Lettre à Franco (Mientras dure la guerra), le cinéaste espagnol Alejandro Amenábar (Les Autres, Mar adentro, Agora…), orchestre les destins croisés de deux personnages exceptionnels. L’un est au crépuscule de sa vie : le grand écrivain Miguel de Unamuno, dont les engagements passionnés (et parfois contradictoires) ont suivi le cours tourmenté de l’Histoire espagnole (républiques, coups d’état, dictatures, restaurations monarchiques…) au tournant du XXe siècle. L’autre est à l’aube de sa « carrière » : le général insurgé Francisco Franco, dont nul n’imagine alors qu’il va prendre la tête de l’Espagne et s’y maintenir d’une main de fer pendant près de quatre décennies. D’un point de vue historique, le film a l’intérêt de nous plonger dans les prémices méconnues de la guerre civile espagnole (1936-1939). (Source zerodeconduite.net)
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Bande annonce
Critique par Cécile Mury
Académique et sage dans sa forme, le film approche toutefois avec une finesse douloureuse le désarroi d’une classe intellectuelle face à la barbarie. Un thème assez proche de celui qu’Amenábar avait déjà abordé dans le monde antique d’Agora, son autre film historique, sur la destruction de la bibliothèque d’Alexandrie. Cette barbarie, qui s’incarne cette fois dans le fascisme espagnol, a deux visages : le masque patelin, trompeur, presque falot, d’un Franco manipulateur et discret ; et son envers, d’une bouffonnerie flamboyante et sinistre à la Mussolini, le général borgne Millán-Astray, inventeur du tristement célèbre slogan « Viva la muerte » (« Vive la mort »). C’est à ce dernier qu’Unamuno s’opposa publiquement, dans un coup d’éclat resté célèbre : « Vous vaincrez, mais vous ne convaincrez pas », avait dit le vieil homme, au péril de sa vie, devant un amphithéâtre grouillant de fascistes. C’est le morceau de bravoure du film, la dernière étincelle, avant que la nuit tombe pour quatre décennies.