L’ouvrage Collioure… les jours bleus d’Antonio Machado, publié en 2019, année commémorative des 80 ans de la mort du poète Antonio Machado, décédé à Collioure le 22 février 1939, a été coédité par les Editions Trabucaire et la Fondation Antonio Machado, et réalisé sous la direction de Serge Barba, ancien président de l’association FFREEE (Fils et Filles de Républicains Espagnols et Enfants de l’Exode).
Ce livre ressemble à un album au format presque carré (24 x 22 cm), à la couverture souple représentant un paysage constitué du port, de la plage et d’une partie de la ville de Collioure, surmonté d’un immense ciel bleu se muant en une couleur de fond bleue, sur laquelle se dessinent les traits du visage d’Antonio Machado.
Les nombreux documents, de nature différente, dont se compose l’ouvrage, à savoir : des illustrations, des photos, des peintures, des dessins, des épigraphes, des textes de « politiques », des articles scientifiques, des articles de presse, des extraits de discours, d’hommages, des témoignages, des poèmes d’hommage, des extraits de poèmes d’Antonio Machado, des présentations d’associations etc., semblent en effet l’apparenter à un ouvrage à feuilleter. Cependant, une lecture plus précise permet d’y découvrir, à travers des documents de qualité, dont certains de première main, un ensemble cohérent bénéficiant de l’apport de différents champs des sciences humaines, ce à quoi se prêtent la vie, les engagements et l’œuvre du poète républicain. Les citations des textes poétiques d’Antonio Machado, dont certains sont analysés, sont certes très brèves et ne permettent pas de prendre la mesure de l’ampleur de l’œuvre, mais donnent envie de s’y plonger, ce qui est l’une des finalités de l’ouvrage. En effet les choix effectués, tenant compte de différentes tonalités et thématiques de l’œuvre (contemplative, intimiste, élégiaque, proverbiale, historique etc.), sont susceptibles de susciter le désir d’en connaître plus.
Cet ouvrage se compose de cinq grands chapitres dont voici une brève présentation. Avant le premier chapitre, sont insérés trois « mots » introductifs sous les plumes de la présidente de la Fondation Antonio Machado de Collioure (FAM), de la présidente du département des Pyrénées-Orientales et du maire de Collioure, ces textes initiaux indiquant bien le double ancrage culturel et politique de l’ouvrage.
Chacun des cinq chapitres a pour titre une citation d’auteur et il est précédé d’une illustration. C’est ainsi qu’une photo du port de Collioure et une citation du poète José Manuel Caballero Bonald ouvrent le premier chapitre dédié à la vie, à l’œuvre et aux engagements du poète, avec un texte de Serge Barba au sujet du projet de ce livre, un texte de Jean Cassou, écrit au moment du quarantenaire de la mort du poète, et deux articles de Jacques Issorel, l’un consacré à la vie et à l’œuvre d’Antonio Machado, l’autre à son engagement républicain, dont il fixe le point de départ en 1904, jusqu’à la guerre civile espagnole, en passant par sa défense des « aliadófilos » durant la première guerre mondiale, et bien sûr son soutien à la Seconde République espagnole en 1931.
Le second chapitre commence par une citation de Louis Aragon et évoque la fin de la vie d’Antonio Machado, exilé, à Collioure ; le texte « Les derniers jours du poète » (p. 32-35), écrit par Jacques Issorel, décrivant l’arrivée d’Antonio Machado et de sa famille à Collioure, leur installation à l’hôtel Bougnol-Quintana, et la mort du poète le 22 février 1939 et de sa mère trois jours plus tard, est complété de photos et de citations qui circonstancient historiquement cet épisode, ainsi que d’un court récit recueilli auprès de Juliette Figuères, mercière, chez qui les frères Machado et leur mère se sont reposés, épuisés qu’ils étaient, à leur arrivée en janvier 1939. Une photo, un tableau d’Henri Matisse et un dessin de Ramón Gaya représentant le Collioure connu par Antonio Machado lors de son bref séjour en 1939 complètent le chapitre.
Le chapitre 3, précédé d’une citation de Louis Aragon, est consacré à la mort du poète, son annonce, sa diffusion médiatique et comporte tout d’abord un texte du même Louis Aragon, « La vie et la mort des poètes » (p. 46-48), dans lequel la mort d’Antonio Machado est replacée dans le contexte de la guerre civile d’Espagne et de l’exil, et où est mentionné le destin tragique de Federico García Lorca. Après deux affiches réalisées en hommage au poète, l’une de Joan Miró en 1966, l’autre de Pablo Picasso en 1955, un texte décrit la transmission de l’information du décès dans les camps d’Argelès et de Saint-Cyprien ; il comporte des témoignages de réfugiés, des coupures de presse (p. 47), des photos d’archives (p. 52-53), et l’évocation de l’enterrement dans toutes ses dimensions, dont matérielles, ainsi que ses résonances dans la société française décrites par Manolo Valiente (p. 54-55).
Le quatrième chapitre est consacré à des projets et actions ayant entouré la mémoire d’Antonio Machado, dont la création en 1977 de la Fondation Antonio Machado de Collioure et du Réseau des Villes Machadiennes en 2009. On y trouve, complété de coupures de presse et de photos, un texte d’Oriol Ponsatí-Murlà (p. 58-60), qui remercie l’initiative de Josep María Corredor ayant permis d’offrir en 1958 une tombe définitive au poète, « patrie posthume » de Machado. Le texte d’hommage de Monique Alonso (p. 66-67) retrace les échanges dont elle fut partie prenante en amont de la création de la fondation. Par la suite, sont présentés le descriptif de la création et des actions de la Fondation Antonio Machado (p. 68-72), et, sous la plume José B. Boces Diago, le récit de la création, le 22 février 2009, du Réseau des Villes Machadiennes » (p. 78-81). Il est précédé d’une première petite anthologie d’extraits de poèmes qui remémorent les villes où vécut le poète (à l’exclusion de Madrid) et qu’il évoqua dans sa poésie, à savoir Séville, Soria, Baeza, Segovia, Rocafort, Collioure.
Le chapitre 5, enfin, rend hommage à la poésie d’Antonio Machado ainsi qu’à des créations et hommages ultérieurs. On y découvre tout d’abord des vers choisis (p. 84-89) ; puis est proposée une fine analyse par Jacques Issorel du dernier vers qu’écrivit Antonio Machado : « Estos días azules y este sol de la infancia » (p. 90-93). Les Éditions Visor de Poesía ayant publié en 2018 un livre dans lequel 85 poètes ont écrit à partir de ce vers, les concepteurs de l’ouvrage Collioure… les jours bleus d’Antonio Machado proposent deux poèmes extraits de ce livre d’hommage, « Epitafio definitivo » d’Antonio Colinas (p. 94-95) et « Infancia », d’Ana Merino (p. 96). En complément, un texte de Verónica Sierra Blas (p. 100-107), professeure à l’Université d’Alcalá de Henares, évoque la tombe de Machado et la célèbre boîte aux lettres recevant hommages, témoignages, dessins, poèmes de visiteurs de tous horizons. Elle-même, dans le cadre du « Séminaire Interdisciplinaire d’Études de la Culture Écrite » et sous la responsabilité de la Fondation Antonio Machado, de la mairie de Collioure et de l’Université d’Alcalá de Henares, récupère, ordonne et classe les documents et objets déposés, afin de pouvoir à terme, les rendre accessibles au public. Un article du journal El País écrit par Tereixa Constenla (p. 108-112) qui décrit l’installation de la boîte aux lettres, l’importance des témoignages déposés et leur exploitation, dont pédagogique, complète cette évocation. Les trois prix créés par la Fondation Antonio Machado, le Prix International de Littérature, le Prix d’Écriture des Lycéens et le Prix des Collégiens transmettent la mémoire du poète aux jeunes générations. Un dernier portrait d’Antonio Machado par son frère José, quelques paroles de Manuel Serrat, la présentation des auteurs et une bibliographie achèvent l’ouvrage.
On a donc dans ce livre un aperçu complet, et propre à intéresser un large public, des diverses dimensions de la vie et de l’œuvre d’Antonio Machado. Facile d’accès, l’ouvrage contient de précieux éléments d’information, rappelant notamment le rôle mémoriel crucial, dont l’historique, la diversité et l’actualité sont ici rappelés, de la Fondation Antonio Machado de Collioure, mais aussi du Réseau des Villes Machadiennes. Selon les lectorats, cet ouvrage permettra tantôt de découvrir l’importance de la figure d’Antonio Machado, ce que facilite le bilinguisme espagnol/français de l’ensemble des textes, tantôt de compléter les connaissances des lecteurs grâce aux contributions scientifiques littéraires et historiques que l’on y trouve, mais il informera également le public des activités de valorisation de la figure et de l’œuvre d’Antonio Machado, notamment dans le cadre de la Fondation Antonio Machado de Collioure, à l’initiative de cette publication.
Référence papier
Bénédicte Mathios, « Collioure… les jours bleus d’Antonio Machado / los días azules de Antonio Machado », Bulletin hispanique, 121-2 | 2019, 750-752.
Référence électronique
Bénédicte Mathios, « Collioure… les jours bleus d’Antonio Machado / los días azules de Antonio Machado », Bulletin hispanique [En ligne], 121-2 | 2019, mis en ligne le 10 décembre 2019, consulté le 18 décembre 2019. URL : http://journals.openedition.org/bulletinhispanique/9738